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Une conception rationnelle de peptides aux propriétés antitumorales


​En combinant des études structurales, informatiques et biochimiques, une équipe du SB2SM (CEA-Joliot/I2BC) a conçu des peptides inhibiteurs d’un chaperon d’histones (ASF1) aux effets potentiellement anti-tumoraux. Les résultats de leur étude, publiée dans Cell Chem Biol en collaboration avec des équipes du SBIGEM (CEA-Joliot/I2BC) et de l’Institut Curie, ouvrent des perspectives originales dans la recherche de nouvelles thérapies anticancéreuses.

Publié le 2 décembre 2019

​Les processus qui impliquent l’ADN de nos cellules (réplication, transcription, réparation, recombinaison) font intervenir de nombreuses protéines qui s’assemblent ou se désassemblent au gré des signaux reçus. Parmi ces protéines, les chaperons d’histones reçoivent depuis quelques temps une attention particulière, du fait de leur implication dans certains mécanismes cancéreux. Elles participent à l’assemblage des nucléosomes et interviennent dans la gestion des marques biochimiques sur les histones (marques épigénétiques).

La protéine ASF1 est un chaperon qui interagit avec les histones H3 et H4. Elle est surexprimée dans plusieurs lignées cellulaires cancéreuses et sa raréfaction compromet sévèrement la prolifération cellulaire. L’équipe « Assemblages moléculaires et intégrité des génomes » (CEA-Joliot/I2BC) s’intéresse depuis plusieurs années à l’étude des interactions entre Asf1 et H3-H4. Notamment, elle conçoit des peptides qui vont s’associer à ASF1, en lieu et place des histones, de manière suffisamment sélective et spécifique pour empêcher ASF1 d’intervenir dans ses fonctions cellulaires pathologiques. L’objectif est d’ouvrir une nouvelle voie thérapeutique pour certains cancers.

En partant de la structure du complexe ASF1 – dimère H3-H4, les chercheurs ont d’abord créé un peptide correspondant à la portion de l’histone H3 qui s’ancre le mieux à ASF1. L’interaction entre ce peptide et Asf1 n’étant pas assez forte pour déstabiliser l’interaction histones-ASF1, les chercheurs ont développé une stratégie rationnelle combinant des approches structurales, informatiques et biochimiques pour optimiser le peptide inhibiteur. En stabilisant la conformation en hélice et en allongeant le peptide pour inclure notamment un motif de l’histone H4, ils ont gagné un facteur 50 d’affinité du peptide pour ASF1 (de 8.7 mM à 180 nM). La résolution de la structure du complexe ASF1 – peptide inhibiteur leur a permis de voir qu’il était encore possible d’optimiser le peptide. Ils ont alors testé in silico l’impact de la substitution de certains de ses résidus sur son interaction avec ASF1. Au final, ils ont imaginé un peptide (ip4) qui s’avère avoir une affinité pour ASF1 de l’ordre de 3 nM. Comme attendu, ce peptide est capable d’entrer en compétition avec les histones H3-H4 pour se lier à ASF1 in vitro, avec des protéines purifiées, et dans des extraits cellulaires. Grâce à une collaboration avec l’équipe « Sénescence et stabilité génomique » du SBIGEM (CEA-Joliot/I2BC) et une équipe de l'Institut Curie, les chercheurs ont montré également qu’introduire ce peptide dans des cellules a des effets sur le phénotype cellulaire similaire à une suppression des ARNm codant les deux protéines ASF1 humaines. Enfin, en utilisant des modèles de souris allogreffes, les chercheurs ont établi qu'ip4 a un effet inhibiteur potentiel sur la croissance tumorale in vivo.

Cette étude pilote montre qu’il est possible de concevoir des peptides inhibiteurs d’ASF1 avec des effets anti-tumoraux. De tels peptides constituent des outils de choix pour approfondir les connaissances de la fonction d’ASF1. 

Contact : Françoise Ochsenbein

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