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Résultat scientifique | Europe | Chimie

Les isotopes de l’hydrogène dans la course aux nouveaux médicaments


​L'équipe de Grégory Pieters (LMT/SCBM) publie, dans la revue Angewandte Chemie, deux avancées majeures dans le domaine de l'activation des liaisons Carbone-Hydrogène mettant en jeu les deux isotopes de l'hydrogène, le deutérium et le tritium, facilitant notamment l'accès à des analogues marqués de molécules complexes, prérequis au développement de nouveaux médicaments.

Publié le 1 septembre 2020

​Ces travaux ont été réalisés dans le cadre de l'ITN ISOTOPICS, en collaboration avec des équipes de l'INSA Toulouse (Dr. Bruno Chaudret) et de l'ICMMO  (Dr. Philipe Lesot) pour le premier article et en collaboration avec une équipe de l'INSA Toulouse (Dr. Bruno Chaudret) et Sanofi (Dr. Volker Derdau) pour la deuxième publication.

L'activation sélective de liaisons C-H dans des molécules complexes fait l'objet d'importantes recherches car elle permet potentiellement de fonctionnaliser ces molécules sans passer par la formation d'intermédiaires de synthèse. Ainsi l'hydrogène (H), présent dans toutes les molécules organiques utilisées en santé humaine peut être remplacé par son isotope stable, le deutérium ou radioactif, le tritium (pour en savoir plus).
 - Dans un premier article, les chercheurs du SCBM ont utilisé le deutérium (D) pour étudier la modulation de la réactivité d'un catalyseur hétérogène de ruthénium (Ru) dans des réactions d'activation de liaisons carbone-hydrogène (C-H). En général, des ligands organiques sont utilisés pour faire varier la réactivité de catalyseurs homogènes, monométalliques, afin d'augmenter les vitesses réactionnelles ou encore de modifier la régio-sélectivité de la transformation chimique. Ici, les chercheurs ont ajouté pour la première fois des carbènes N-hétérocycliques (NHC, figure 1A), ligands organiques, sur la surface de catalyseurs de ruthénium hétérogènes pour en moduler la réactivité. Grâce à un procédé de synthèse simple et robuste, ils ont préparé en une seule étape de nouveaux catalyseurs possédant divers taux de greffage des NHC et ont démontré, en étudiant la nature des produits formés suite à l'incorporation d'atomes de deutérium, la grande influence de la fonctionnalisation de la surface du catalyseur par les NHC sur la chimiosélectivité des catalyseurs. En effet, l'utilisation de clusters de ruthénium modifiés a permis de favoriser la catalyse des réactions de C-H deutération par rapport à la réduction des noyaux aromatiques et des composés carbonylés, réaction majoritairement observée lors de l'utilisation du catalyseur Ru/C natif (figure 1B). Il a été démontré que la présence du ligand permettait de ralentir fortement la cinétique de réduction des noyaux aromatiques et des fonctions carbonyles, sans modifier celle des activations C-H, ce qui a permis de découvrir de nouvelles réactivités pour ce type de clusters de Ru permettant la deutération d'aldéhydes.
































Figure 1
 : Schéma de la préparation du catalyseur de ruthénium modifié par le ligand organique, NHC (A) et comparaison de la réactivité observée avec le catalyseur natif et le catalyseur modifié (B). © G Pieters/CEA


Hormis l'intérêt fondamental de ces recherches offrant de nouvelles perspectives relatives à l'utilisation de catalyseurs hétérogènes dans le cadre du développement de réactions de C-H activation, les réactions décrites ici permettent de marquer par des atomes de deutérium des molécules d'intérêt pharmaceutique (alcools, hétérocycles azotés).

 - La seconde contribution importante, relative aux isotopes de l'hydrogène, a concerné le développement d'une nouvelle méthode de marquage de molécules d'intérêt par le tritium (T), dans le contexte d'une réaction de C-H activation multiple. Le marquage par le tritium et le carbone-14 est essentiel pour le suivi et la quantification absolue in vivo (biodistribution) ou ex vivo chez l'animal (imagerie beta et autoradiographie) d'un candidat médicament, afin d'en déterminer les propriétés ADME (Absorption, Distribution, Métabolisme et Excrétion). Les chercheurs du SCBM décrivent, dans le deuxième article, une méthode de marquage générale très efficace mettant en jeu un pré-catalyseur d'iridium. Cette méthode se distingue des techniques existantes par sa facilité de mise œuvre (le précatalyseur d'iridium, commercial, est stable à l'air donc facilement manipulable), son champ d'application vaste (des principes actifs extrêmement complexes et fragiles ont pu être radiomarqués) et la possibilité d'atteindre des taux d'incorporation records de tritium sur la molécule. La mise sous atmosphère de tritium gaz et du catalyseur en présence du substrat d'intérêt permet de générer à la fois des complexes homogènes (figure 2A) et des nanoparticules d'iridium capables d'activer plusieurs liaisons C-H sur des molécules complexes en les remplaçant par des liaisons C-T (figure 2B).














Figure 2 : Espèces catalytiques formées in-situ en présence du substrat de la réaction et de tritium gaz (A) et application au radiomarquage de principes actifs (B) © G Pieters/CEA


Nul doute que ces résultats faciliteront l'accès à des analogues deutérés ou tritiés de molécules complexes, outils de diagnostic essentiels dans la découverte et le développement de médicaments.

Financement européen
Ce travail de l'équipe de Grégory Pieters a été réalisé dans le cadre du projet européen ISOTOPICS, coordonné par le CEA.

Contact chercheur :
Grégory Pieters (gregory.pieters@cea.fr

Voir également le Fait Marquant de la DRF sur ce travail.

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