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Un perturbateur des endosomes tardifs aux propriétés anti-infectieuses


​Une équipe du SIMOPRO, en collaboration avec une équipe du SCBM, a identifié par criblage d'une banque de petites molécules chimiques un composé capable de réduire la sensibilité des cellules à une toxine de plante, la ricine. En collaborant avec sept équipes de microbiologistes*, les chercheurs ont montré que ce composé, appelé ABMA, protège les cellules en bloquant une voie de transport intracellulaire empruntée par de nombreuses autres toxines bactériennes et pathogènes intracellulaires. ABMA définit ainsi une nouvelle famille d'agents anti-infectieux à large spectre.

Publié le 16 janvier 2018

​La ricine est une toxine de plante dont on redoute l'usage à des fins criminelles ou bioterroristes et contre laquelle il n'existe pas de traitement approuvé. En 2005, dans le cadre du programme interministériel de R&D contre les risques NRBC-E, confié par les pouvoirs publics au CEA, le SIMOPRO, en collaboration avec le SCBM, a criblé une banque commerciale de 16,000 petites molécules (ChemBridge™ DIVERSet™) afin d'identifier des composés actifs contre la ricine. Trois molécules capables de protéger les cellules ont été isolées. Le mécanisme qui sous-tend l'effet protecteur des deux premières, Retro-1 et Retro-2 a été décrit en 2010 dans la revue Cell. La troisième, appelée ABMA, fait l'objet de la présente étude, publiée dans Scientific Reports.


Structure chimique de la molécule ABMA
 


ABMA agit en perturbant la physiologie des endosomes tardifs, appelés aussi corps multi vésiculaires. Lorsqu'une cellule internalise des éléments extérieurs (nutriments, facteurs de croissance, toxines ou pathogènes...), ceux-ci sont enfermés dans une vésicule membranaire qui mature pour devenir un compartiment de triage appelé endosome précoce. Les éléments destinés à être dégradés sont dirigés vers des compartiments multi-vésiculaires, les endosomes tardifs, qui fusionnent ensuite avec les lysosomes primaires pour former les lysosomes secondaires. Ces petites vésicules contiennent des cocktails d'enzymes destinées à dégrader le contenu provenant des endosomes tardifs. En présence du composé ABMA, les endosomes tardifs s'accumulent et leur contenu n'atteint pas les compartiments de dégradation (Figure 1).

 
Figure 1 : Schéma du mode d’action d’ABMA sur les endosomes tardifs



De nombreuses toxines de bactéries, des virus, des parasites, des bactéries intracellulaires utilisent cette voie de transport pour infecter les cellules et résistent à la dégradation finale en s'échappant des compartiments intra cellulaires vers le cytoplasme ou en modifiant leur destination. Les chercheurs ont montré qu'ABMA, en agissant sur les endosomes tardifs, protège les cellules contre quatre toxines bactériennes (diphtérie, charbon, ToxB de C. difficile, LT de C. sordellii), trois virus (Ebola, rage et dengue), le parasite de la leishmaniose et deux bactéries intracellulaires responsables d'infections pulmonaires, oculaires et génitales (Simkania negevensis et Chlamydia trachomatis) (Figure 2). Enfin, ABMA est capable de protéger des souris contre une dose mortelle de ricine.

 Figure 2: Effet d'ABMA sur une infection secondaire de cellules HeLa229 (immunofluorescence).  A gauche, des cellules HeLa229 ont été infectées avec les bactéries intracellulaires obligatoires Simkania negevensis et traitées ou non pendant 3 jours avec la molécule ABMA à la concentration de 75 µM. De nouvelles cellules HeLa229 ont été ensuite infectées par les bactéries issues de la première infection et marquées par un fluorophore rouge (en vert, les noyaux des cellules HeLa229). A droite, des cellules HeLa229 ont été infectées avec les bactéries intracellulaires obligatoires Chlamydia trachmatis et traitées ou non pendant 1 jour avec la molécule ABMA à la concentration de 75 µM. De nouvelles cellules HeLa229 ont été ensuite infectées par les bactéries issues de la première infection et marquées par un fluorophore vert. Dans les deux cas, le traitement par ABMA réduit considérablement l'infection secondaire.



Ces résultats montrent qu'ABMA est capable d'inhiber toxines ou agents infectieux empruntant la voie des endosomes tardifs pour pénétrer dans la cellule. Des analogues optimisés sont d'ores et déjà à l'étude pour obtenir des molécules à visée thérapeutique anti-infectieuse de spectre large.


* Equipes collaboratrices :

Emmanuel Lemichez et Michel R. Popoff, Institut Pasteur (Toxines)
Robert Davey, Texas Biomedical Research Institute (Ebola et Marburg)
Noël Tordo, Institut Pasteur (Rage)
Roger Le Grand, DRF/Jacob et Pascal Clayette, Oncodesign (Dengue)
Philippe Loiseau, Université Paris-Sud (Leishmaniose)
Thomas Rudel, Université de Würtburg (Simkania et Chlamydiae)
Didier Sauvaire, ANSM (modèle souris)
Claire Boulogne, I2BC (microscopie électronique)

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