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Érosion du tungstène dans un tokamak : quel bilan net ?


​​Des chercheurs du CEA-IRFM, de l'Université d'Aix-Marseille et de General Atomics ont développé un modèle réaliste de l'érosion du tungstène, un matériau réfractaire, privilégié pour les composants exposés au plasma de fusion, à l'intérieur des tokamaks. 

Publié le 10 avril 2024

​Dans les tokamaks, les parois exposées au plasma de fusion reçoivent des flux intenses de chaleur et de particules. Le matériau de référence pour ces parois, le tungstène, a été choisi pour sa résistance à la chaleur et à la pulvérisation atomique mais il est néanmoins progressivement érodé par le plasma.

Cette érosion a deux effets délétères : elle limite la durée de vie des composants exposés au plasma et elle diminue les performances de confinement du plasma chaud, par pertes radiatives. En effet, les ions tungstène (W) arrachés au matériau qui rejoignent le plasma de fusion émettent un rayonnement d'autant plus intense que leur numéro atomique est élevé (74 pour W).

Il est donc particulièrement important de pouvoir déterminer la fraction d'ions de tungstène qui, pulvérisée hors du matériau, se redépose finalement sur le composant ou, au contraire, franchit la « gaine électrostatique » qui l'entoure et parvient à rejoindre le plasma de fusion. Or c'est un point dur car la dynamique des ions « lourds » dans le plasma est beaucoup moins bien connue que la physique de la pulvérisation, régie par des échanges de quantité de mouvement entre les ions du plasma de fusion incidents et les atomes du solide.

Redépôt ou échappement vers le plasma ?

Que se passe-t-il précisément après la pulvérisation ?  Les atomes de tungstène s'ionisent rapidement dans le plasma, à proximité immédiate du matériau, et, sous l'effet du champ magnétique de confinement du plasma, commencent à décrire des trajectoires hélicoïdales susceptibles d'intercepter le composant. Un autre facteur, la « gaine électrostatique » qui entoure le composant, ou plus exactement son champ électrique extrêmement intense, tend également à redéposer les ions de tungstène sur le solide.

In fine, la probabilité qu'un ion W s'échappe de cette gaine est étroitement liée à ses propriétés cinétiques (énergie et angle d'émission). Or les modèles courants considèrent le plasma de fusion comme un fluide (décrit par des quantités moyennes comme la température) et ne prennent en compte pour les ions pulvérisés qu'une énergie moyenne et non pas une distribution d'énergie. Ils sous-estiment l'érosion nette du composant.

Le deutérium contribue aussi à l'érosion du tungstène

C'est pourquoi une collaboration entre l'IRFM, l'Université d'Aix-Marseille et General Atomics (États-Unis) a développé un modèle utilisant une méthode Monte-Carlo, en prenant en compte une distribution d'énergie réaliste des particules incidentes. La probabilité que les ions tungstène pulvérisés s'échappent est alors calculée en fonction du champ magnétique de confinement du plasma et des propriétés du plasma en contact avec le matériau (densité, température, potentiel, charge des ions pulvérisants).  

Les résultats montrent que la description cinétique de l'énergie est importante seulement pour les particules incidentes ionisées une fois, comme les ions du plasma tels que le deutérium. La contribution du deutérium à l'érosion du tungstène n'est ainsi pas toujours négligeable devant celle due aux impuretés légères ou à l'auto-érosion du tungstène. 

Ce modèle permet également d'interpréter plus finement les expériences sur le tokamak West de l'IRFM et fournit de nouvelles conditions aux limites pour les codes de simulation décrivant l'équilibre entre le plasma de bord et les éléments de paroi en tungstène. Ces avancées permettront d'apporter des prédictions plus précises pour la préparation de l'exploitation d'Iter.



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