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Résultat scientifique | Biologie structurale

Bases moléculaires du mécanisme de ciseaux moléculaires impliqués dans la recombinaison méiotique et dans la réparation de l’ADN


​Des chercheurs de l’I2BC/CEA-Joliot en collaboration avec une équipe de l’institut Curie et de l’IRCM/CEA-Jacob, posent les bases moléculaires pour expliquer le double rôle du complexe Mlh1-Mlh3 dans la réparation des mésappariements d’ADN et, fait unique, dans l’une des étapes clefs du brassage génétique lors de la méiose. Leur étude est publiée dans PNAS.

Publié le 7 juin 2021

​Recombiner pour mieux brasser

Durant la méiose, se produit un phénomène de recombinaison du matériel génétique entre les chromosomes homologues, qui contribue au brassage génétique. La recombinaison ne peut se faire que grâce à des mécanismes fins de cassures et de réparations ultérieures des molécules d’ADN. Ces mécanismes sont très conservés chez les eucaryotes, de la levure à l’Homme. Notamment, des « nœuds » (jonctions de Holliday) se forment entre les chromosomes homologues pour les faire s’enjamber en vue de leur recombinaison. Ces mécanismes de recombinaison sont essentiels pour assurer une ségrégation correcte des chromosomes dans les gamètes. Un échec de ces étapes entraîne la génération de gamètes avec un nombre anormal de chromosomes (trisomie, syndrome de Turner, stérilité).

Couper, réparer... avec quelle spécificité ?

Le complexe Mlh1-Mlh3 est un facteur de réparation des mésappariements d’ADN qui sont générés suite à des erreurs des polymérases réplicatives. Il possède une activité endonucléase, c’est-à-dire qu’il peut couper une molécule d’ADN entre deux briques (nucléotides) successives et non à ses extrémités. Contrairement à d’autres facteurs de réparation des mésappariements assez semblables, Mlh1-Mlh3 exerce aussi son activité endonucléase lors de la méiose, au niveau des jonctions de Holliday ; il est indispensable à l’enjambement de portions de chromosomes. Le complexe Mlh1-Pms1, qui est le facteur principal pour réparer les mésappariements d’ADN, n’est pas impliqué dans la méiose. Pour autant, les deux complexes présentent de nombreuses similitudes structurales. Par exemple, ils se forment par l’interaction entre les domaines C-terminaux de Mlh1 et de son partenaire Mlh3 ou Pms1. Quelles sont les bases structurales à l’origine des différences de spécificité entre Mlh1-Mlh3 et Mlh1-Pms1 ? Des chercheurs du CEA-Joliot (département I2BC, Laboratoire de biologie structurale) et de l’Institut Curie (équipe Dynamique des chromosomes et recombinaison), avec l’aide du CEA-Jacob (département IRCM) et d’une équipe suisse, ont résolu par radiocristallographie la structure tridimensionnelle d’un complexe formé par les domaines d’interaction de Mlh1 et Mlh3 (à partir de protéines recombinantes purifiées) de la levure S. cerevisiae et l’ont caractérisée fonctionnellement. Ils l’ont comparée avec celle déjà connue du complexe équivalent formé entre Mlh1 et Pms1.

Leur étude, publiée dans PNAS, révèle des différences entre les deux complexes, en ce qui concerne notamment la taille de l'interface d'hétérodimérisation. Les domaines de régulation de Pms1 et de Mlh3 sont orientés différemment dans le complexe avec Mlh1. De plus, la forme de la cavité entourant le site endonucléase varie, ce qui pourrait entrainer des différences de spécificité vis-à-vis de leurs substrats ADN. Les dix derniers résidus de Mlh1 sont connus pour être essentiels pour la réparation des mésappariements mais pas pour l’interaction avec Pms1 ou Mlh3. Des expériences menées sur des souches de S. cerevisiae mutantes – dans lesquelles ont été introduites des délétions des derniers résidus de Mlh1 – indiquent que seuls les 3 derniers sont indispensables pour l’activité méiotique de Mlh1. D’autres expériences (de liaison à l’ADN) permettent aux auteurs de conclure que Mlh1-Mlh3, mais pas Mlh1-Pms1, se lie préférentiellement aux jonctions de Holliday. Enfin, dans le cristal, les dimères Mlh1-Mlh3 s’associent entre eux pour former une structure filamentaire. Cette conformation étaye l’hypothèse proposée dans des études précédentes d’une oligomérisation de Mlh1-Mlh3 le long de l’ADN. Des mutations sur les surfaces d’interaction correspondantes diminuent fortement la formation des enjambements de chromosomes. Les auteurs de l’étude proposent que l’oligomérisation de Mlh1-Mlh3 débute à une jonction de Holliday avant de s’étendre le long de l’ADN.


Structure cristallographique de la région C-terminale Mlh1-Mlh3 avec son site endonucléase (bleu) et son site d’interaction avec les facteurs de la recombinaison méiotique ou de la réparation de l’ADN (marron). Mlh1-Mlh3 forme des oligomères dont un arrangement possible est observé dans le cristal. © JB. Charbonnier/CEA


Cette première comparaison au niveau structural des complexes Mlh1-Mlh3 et Mlh1-Pms1 suggère fortement une spécialisation au cours de l’évolution de chacun d’entre eux. Pour aller plus loin, il faudra obtenir des structures par cryo-microscopie électronique des deux protéines entières, en interactions avec leur substrat ADN.

Contact chercheur Joliot : 

Jean-Baptiste Charbonnier (jb.charbonnier@cea.fr

VidéoMlh1-Mlh3 interface model


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