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L’ingénierie moléculaire d’anticorps pour s’adapter à la dérive antigénique de SARS-CoV-1 et 2


​Des chercheurs du SIMoS et du SPI (DMTS) montrent que l'ingénierie moléculaire d'anticorps de lama, capables de neutraliser SARS-CoV-1, permet d'obtenir des anticorps optimisés avec des affinités très élevées pour SARS-CoV-2 et ses variants, les responsables de l'épidémie de Covid-19. Un pas vers la conception de molécules neutralisantes inédites, actives contre de nouvelles souches émergentes d'agents pathogènes. 

Publié le 22 septembre 2022

​PANDÉMIE DE COVID-19 ET ANTICORPS MONOCLONAUX

Au-delà de la vaccination des populations qui a permis de contenir l'épidémie de Covid-19, l'immunisation passive par perfusion d'anticorps monoclonaux constitue une approche complémentaire très intéressante, en particulier pour les personnes les plus à risque. Plusieurs études ont en effet démontré que l'administration précoce d'anticorps monoclonaux ciblant la protéine virale Spike, et, plus précisément, son domaine de liaison au récepteur cellulaire de l'hôte (receptor-binding domain, RBD), bloque l'entrée du virus dans les cellules humaines et prévient la progression vers des formes graves de la maladie.
Depuis 2020, de multiples anticorps dirigés contre le domaine RBD de la protéine Spike de Sars-CoV-2, l'agent responsable de la pandémie de Covid-19, ont été conçus, mais ces anticorps présentent plusieurs limitations d'usage (spectre de reconnaissance étroit, capacité de neutralisation modeste, perte de reconnaissance des souches émergentes du virus…). Des stratégies alternatives pour développer des anticorps monoclonaux à forte activité neutralisante, capables de neutraliser les souches circulantes du virus SARS-CoV-2 avec un large spectre, s'avèrent nécessaires.

APPORT DE L'INGÉNIERIE DES ANTICORPS

Parmi les anticorps neutralisant le virus SARS-CoV-1, développés suite à l'épidémie de 2003 dans les pays asiatiques, très peu se sont avérés efficaces contre le virus SARS-CoV-2. L'anticorps VHH72 est une molécule issue de l'immunisation d'un lama avec la protéine Spike du SARS-CoV-1 qui s'avère capable de reconnaître l'antigène correspondant du SARS-CoV-2 avec cependant, une affinité de liaison au RBD de SARS-CoV-2 modérée. Ce nanobody a constitué un point de départ extrêmement précieux pour la génération de nouveaux anticorps anti-SARS-CoV-2, grâce à sa réactivité croisée vis-à-vis de différentes souches virales.
Dans la présente étude, les scientifiques ont associé une évaluation systématique de l'effet de mutations (Deep Mutational Scanning) sur l'activité de l'anticorps VHH72, avec un criblage haut débit à la surface de levures (Yeast Surface Display). Ceci a permis d'obtenir des variants de nouveaux anticorps-candidats hautement neutralisants, possédant une affinité considérablement améliorée pour SARS-CoV-2 et une large réactivité croisée pour SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2. Les chercheurs ont ainsi identifié toutes les substitutions individuelles de VHH72 qui augmentent sa liaison au RBD de SARS-CoV-2, puis ils ont criblé des bibliothèques combinatoires ciblées afin d'isoler des anticorps modifiés aux propriétés optimisées. Les molécules de VHH ainsi obtenues i) présentent des affinités très élevées (de l'ordre de la dizaine de picomolaire) pour les antigènes de SARS-CoV-2 provenant de divers variants émergents et pour le SARS-CoV-1, ii) bloquent l'interaction entre le RBD et son récepteur cellulaire, et iii) neutralisent le virus avec une grande efficacité grâce à un motif commun de trois acides aminés qui leur confère une très grande spécificité de reconnaissance.

CONCLUSION

Une perspective immédiate de ce travail pourrait être d'adapter VHH72, ou l'un des nombreux anticorps affectés par les mutations omicron, à ces nouveaux antigènes et ainsi générer des anticorps neutralisants d'intérêt pour lutter contre la pandémie actuelle. La puissance de l'approche utilisée ici permet en effet d'envisager de concevoir rapidement, à partir d'anticorps existants, des molécules neutralisantes inédites, actives contre de nouvelles souches émergentes d'agents pathogènes.

Contact : Hervé Nozach, herve.nozach@cea.fr
Voir aussi la page « Ingénierie d'anticorps et immunogénicité » de notre site web.

- Un anticorps à domaine unique, également connu sous le nom de nanobody, est un fragment d'anticorps composé d'un seul domaine variable monomérique (les camélidés fabriquent ces anticorps uniques dans le règne animal, avec une structure moins complexe que ceux des humains). Comme un anticorps entier, il est capable de se lier sélectivement à un antigène spécifique, avec une grande affinité, souvent de l'ordre du nanomolaire. Les nanobodies sont donc les plus petits domaines de liaison à un antigène. Leur format est flexible et modulable, ce qui est un avantage pour leur ingénierie. Ils peuvent être fusionnés à la partie Fc constante des anticorps pour leur conférer un format bivalent avec une longue durée de vie dans la circulation sanguine.
- Le Deep Mutational Scanning consiste à générer et cribler l'ensemble des mutations uniques dans la séquence d'une protéine. Les données obtenues en DMS permettent d'analyser les interfaces protéine/protéine et servent également pour guider l'ingénierie de molécules optimisées, notamment pour la maturation d'affinité ou l'ingénierie de la sélectivité des anticorps.
- Le Yeast Surface Display est une technique d'ingénierie des protéines qui utilise l'expression de protéines recombinantes à la surface de cellules de levures pour cribler à haut-débit des anticorps améliorés disposant des propriétés fonctionnelles recherchées. 

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