La mertansine (DM1) est un agent chimiothérapeutique très puissant, connu pour induire l'arrêt du cycle cellulaire et la mort des cellules tumorales. Malgré son activité antitumorale prometteuse, la toxicité de la mertansine, en particulier dans les systèmes gastro-intestinal et nerveux, a fortement limité son développement clinique.
En 2022, une équipe de l'Institut Galien Paris-Saclay en collaboration avec l'équipe de Grégory Pieters au SCBM, avait montré l'intérêt de lier un autre agent chimiothérapeutique – le paclitaxel, principe actif du taxol – au polyacrylamide (PAAm), un polymère hydrophile et biocompatible, pour en faire une prodrogue polymère et ainsi faciliter son administration et sa migration, tout en neutralisant temporairement sa toxicité[1].
Dans une nouvelle étude, l'équipe de l'institut Galien a collaboré avec l'équipe de Charles Truillet (laboratoire BioMaps/SHFJ) pour concevoir une prodrogue polymère de la mertansine (PAAm-DM1). L'objectif de cette formulation est de permettre la neutralisation temporaire de la toxicité de DM1, tout en assurant sa bonne solubilité et sa distribution ciblée dans l'organisme. L'innovation de cette étude repose également sur l'intégration d'un agent chélatant du zirconium-89, rendant possible l'imagerie par tomographie par émission de positons (TEP). Cette approche dite théranostique permet de visualiser en temps réel la biodistribution du médicament et d'anticiper son efficacité.
Les résultats, obtenus sur des modèles murins de cancer colorectal, montrent une accumulation spécifique de PAAm-DM1 dans les tumeurs, principalement par effet EPR (pour
Enhanced Permeation and Retention, et qui correspond à une accumulation passive), avec une toxicité systémique très réduite. Cette accumulation tumorale ne s'est pas traduite systématiquement par une meilleure efficacité thérapeutique, ce qui suggère des mécanismes biologiques plus complexes. Les auteurs évoquent notamment une possible implication du système immunitaire, influençant le métabolisme et la clairance du médicament, un aspect encore peu étudié.
Ces travaux, publiés dans
Journal of Controlled Release, soulignent le potentiel prometteur du PAAm-DM1 pour développer des chimiothérapies plus ciblées, moins toxiques et potentiellement personnalisables.