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Dépollution nucléaire : une bactérie qui capture le strontium-90


​​Une collaboration impliquant en particulier des chercheurs du CEA- BIAM et du CEA-JOLIOT vient de de démontrer les capacités de dépollution d'une cyanobactérie, Gloeomargarita lithophora capable de capturer le strontium-90, un radionucléide présent dans les effluents des centrales. Cette découverte ouvre la voie vers une bioremédiation très efficace et respectueuse de l'environnement.​​​

Publié le 30 avril 2025

Codécouverte il y a plusieurs années par l'Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de Cosmochimie de Paris (IMPMC) dans un stomatolite du lac Alchichica situé au Mexique, une bactérie photosynthétique est capable de minéraliser le strontium, un élément chimiquement proche du calcium. Cette particularité a retenu l'attention de Virginie Chapon (CEA-BIAM) qui a lancé une première étude sur le sujet et posé la question : cette cyanobactérie pourrait-elle minéraliser également du strontium-90 (90Sr), un radioélément présent à l'état de trace dans les effluents des centrales nucléaires ? La chercheuse a alors pu démontrer qu'en laboratoire, Gloeomargarita lithophora piégeait le 90Sr. En revanche, restait à savoir si cette bactérie était capable de résister à la radioactivité et de capturer efficacement le 90Sr dans des conditions plus proches de la réalité.

Les résultats d'une nouvelle étude menée en collaboration avec le CEA-Joliot/I2BC, l'IMPMC et le Laboratoire de Physique de Clermont Auvergne dans le cadre du programme FOCUSDEM du CEA, le démontrent aujourd'hui sans ambiguïté : en présence de lumière, G. lithophora capte et stabilise le 90Sr pendant au moins 20 jours, tout en survivant à la radioactivité. De manière plus étonnante encore, cette cyanobactérie est capable de stocker le CO₂ tout en dépolluant jusqu'à 98 %, en seulement 72 heures, un milieu simulant un effluent réel de centrale nucléaire. Grâce en partie à l'énergie produite par le processus de la photosynthèse, la bactérie piège en effet le Sr et le transforme en chapelets de minéraux alors visibles au microscope.

Ce travail illustre de nouveau toute l'importance de la recherche fondamentale dans le domaine de la dépollution comme le souligne Virginie Chapon : « pour développer des approches biologiques nous avons besoin d'étudier l'adaptation du vivant aux contraintes environnementales pour comprendre les mécanismes mis en œuvre, notamment ici celui de la tolérance à la radioactivité et les voies de séquestration du 90Sr.  C'est une étape nécessaire avant d'envisager un passage à l'échelle industrielle. L'infrastructure unique du BIAM1 a permis l'étude de micro-organismes photosynthétiques en présence d'éléments radioactifs, condition sine qua non pour la réalisation de ces expériences. »

Cette étude ouvre des pistes prometteuses, tant fondamentales qu'appliquées. Les prochaines étapes permettront de mieux comprendre la tolérance de G. lithophora à la radioactivité ainsi que les mécanismes de transport et de séquestration du Sr90. G. lithophora se présente aujourd'hui comme une alternative innovante aux méthodes classiques de décontamination (précipitation chimique ou l'adsorption sur matériaux solides), offrant une alternative biologique pour l'industrie nucléaire.

1Le BIAM dispose d'un laboratoire spécifiquement équipé pour réaliser des expériences de microbiologie sur des organismes photosynthétiques en présence d'éléments radioactifs, ce qui est unique dans le paysage de la recherche française.


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