Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Un nouveau mécanisme de photoprotection chez les cyanobactéries ?

Résultat scientifique | Photosynthèse

Un nouveau mécanisme de photoprotection chez les cyanobactéries ?


​Des équipes des universités d'Amsterdam et de Pretoria en collaboration avec une équipe du SB2SM, montrent pour la première fois que des changements rapides au cœur des antennes collectrices de lumière détectés comme des fluctuations de fluorescence, permettent de dissiper l'énergie sous forme de chaleur et pourraient constituer un nouveau mécanisme de photoprotection chez les cyanobactéries.

Publié le 8 décembre 2016

​Les plantes, les algues et les cyanobactéries, organismes qui réalisent la photosynthèse oxygénique, possèdent des antennes collectrices de lumière, complexes macromoléculaires qui contiennent de nombreux pigments, dont le rôle est d'assurer une absorption efficace de l'énergie même en conditions de faible luminosité. Ceci permet une utilisation optimale de la lumière solaire pour la photosynthèse. Les complexes collecteurs de lumière sont capables de s'adapter rapidement aux variations d'intensités lumineuses. En particulier, lors d'une augmentation soudaine de l'intensité lumineuse, ils se convertissent en dissipateurs thermiques de l'énergie absorbée à travers des mécanismes complexes. Chez les cyanobactéries, une forte lumière photo-active une protéine soluble attachant une molécule de caroténoïde, l'Orange Carotenoid Protein (OCP). L'OCP activée interagit avec les phycobilisomes, principales antennes collectrices de lumière, induisant ainsi la dissipation de l'énergie collectée sous forme de chaleur.
Dans le présent travail, une étude a été menée sur des phycobilisomes isolés à l'état de « molécule unique » (Fig.1) et, en mesurant simultanément l'intensité, la durée de vie et les spectres de fluorescence, les auteurs ont montré que les bilines, pigments des phycobilisomes, "switchaient" de manière aléatoire et réversible vers des états métastables « obscurs » (Fig.2) au niveau desquels l'énergie absorbée était dissipée thermiquement et ce, indépendamment de l'OCP. Ce processus, connu sous le nom de fluorescence intermittente (blinking), se produit également dans d'autres émetteurs nanoscopiques, naturels et synthétiques, y compris dans les pigments des antennes collectrices de lumière des plantes. Des travaux antérieurs ont tenté d'associer ce processus à la photoprotection, mais ils ont été réalisés avec une intensité lumineuse de plusieurs ordres de grandeur supérieure à la lumière du soleil, c'est-à-dire pouvant induire des effets non attendus en conditions physiologiques. Dans ce travail, des intensités beaucoup plus basses ont été utilisées, et les résultats montrent pour la première fois le phénomène de fluorescence intermittente dans les phycobilisomes en conditions d'intensité lumineuse physiologique. Nos résultats suggèrent également que les switches des bilines vers des états à grande capacité de dissipation thermique de l'énergie absorbée sont à l'origine d'un nouveau type de photoprotection chez les cyanobactéries. D'autres organismes photosynthétiques pourraient aussi employer de telles stratégies pour répondre instantanément à des fluctuations rapides de l'intensité de la lumière du soleil.

Figure 1: Schéma du phycobilisome de Synechocystis. Il est constitué d'un cœur comprenant 3 complexes protéines-pigment en forme de cylindres courts ; le pigment est l'allophycocyanine (APC). Six bâtonnets cylindriques sont liés au cœur. Chaque bâtonnet est formé de 3 hexamères de phycocyanine (PC). La phycocyanobiline bleue est attachée aux 2 phycobiliprotéines (APC et PC).
Figure 2: Fluctuations représentatives de la fluorescence d'un phycobilisome isolé illustrant le phénomène de "blinking" (intensité - en bleu - et durée de vie - en rouge - du signal de fluorescence qui diminuent dans les états obscurs). 


Une meilleure compréhension des mécanismes photophysiques se produisant dans les antennes collectrices de lumière est de première importance dans la mise au point de technologies bio-inspirées dépendant de l'énergie solaire.

*Michal Gwizdala a réalisé sa thèse sous la direction de Diana Kirilovsky, mais le présent travail a été mené durant son stage post-doctoral à Amsterdam, en collaboration avec le laboratoire de Saclay.

Haut de page