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La microfluidique en gouttelettes et l'IA pour détecter la résistance à la colistine


​Une équipe du LERI (SPI/DMTS) en collaboration avec des chercheurs du Kremlin-Bicêtre et du DM2S (Direction des Energies du CEA) a mis au point un dispositif de microfluidique en gouttes pour tester rapidement et efficacement la susceptibilité à la colistine, un antibiotique pour lequel des phénomènes de résistance bactérienne ont été observés. L’Intelligence artificielle complète la méthode pour faciliter l’étape d’analyse des images et augmenter la sensibilité du test.

Publié le 30 septembre 2024

L'antibiorésistance pourrait causer plus de 10 millions de morts par an d'ici 2050. Le phénomène est d'une telle ampleur qu'il est considéré par l'Organisation Mondiale de la Santé « comme l'une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement ».

La colistine est un antibiotique qui a longtemps été écarté en médecine humaine à cause de sa toxicité rénale. Depuis quelques années, il est néanmoins employé dans le traitement de maladies infectieuses sévères causées par des bactéries résistantes à toute autre antibiothérapie. Du fait de son utilisation de plus en plus intensive, des mécanismes de résistance ont été rapportés à partir de 2015, principalement dans des entérobactéries retrouvées dans de la viande de porc et de poulet, mais aussi isolées chez l'Homme.

Depuis plusieurs années maintenant, le LERI (SPI/DMTS), collabore avec une équipe de l'Hôpital de Bicêtre (Laboratoire de Bactériologie & CNR de la Résistance aux Antibiotiques), pour mettre au point divers tests rapides pour détecter la présence de souches bactériennes résistantes aux céphalosporines, carbapénèmes et à la colistine dans des fluides biologiques et ainsi permettre d'administrer le plus rapidement possible une thérapie ciblée et contribuer à limiter la propagation des bactéries multirésistantes. 

MINIATURISATION DES ANTIBIOGRA​MMES GRÂCE A LA MICROFLUIDIQUE

Le LERI a déjà mis au point des tests bandelettes de détection de la résistance bactérienne à la colistine grâce à la reconnaissance par un anticorps spécifique de l'une des enzymes responsables de cette résistance (MCR-1, voir Actu 2019). Ils travaillent maintenant à la mise au point d'un test miniaturisé qui repose sur la microfluidique et qui permet la culture et l'analyse à haut débit d'échantillons bactériens. Ce type de test équivaut à un antiobiogramme microfluidique : il permet de déterminer rapidement la concentration minimale inhibitrice de l'antibiotique et avoir ainsi des informations phénotypiques sur les bactéries analysées. Il est donc complémentaire des tests bandelettes actuels de type immuno-chromatographiques qui permettent d'identifier les enzymes impliquées dans les résistances. Par rapport aux test commerciaux, une analyse en gouttes a l'avantage :

  • de fournir des informations à l'échelle de la cellule unique et donc de distinguer différentes sous populations au sein d'un même échantillon bactérien ;
  •  en concentrant les bactéries et les réactifs au sein de microvolumes, d'évaluer la croissance bactérienne beaucoup plus rapidement que sur les tests de référence (2 heures au lieu de 16 à 24 heures). ​

UNE ANAL​​YSE AUTOMATISEE

Afin de garantir un rendu des résultats rapide, il est impératif d'automatiser et faciliter l'analyse des données obtenues à partir de milliers voire de millions de bactéries individuelles. L'équipe a donc développé un algorithme d'apprentissage profond (Deep learning) spécifique permettant une classification de bactéries selon leur profil – sensible ou résistant – par rapport à l'antibiotique testé. Cette méthode d'analyse automatisée offre de très bonnes performances en matière de sensibilité, spécificité et rapidité de la détection de bactéries (2 minutes). Un avantage supplémentaire du système développé est la possibilité de mesurer la croissance bactérienne au sein de gouttes, sans besoin de rajouter des marqueurs de fluorescence, couramment utilisés en microfluidique, ce qui facilite la mise en place du test avec différents types d'échantillons.

Le dispositif est constitué d'une plateforme microfluidique qui permet d'encapsuler des bactéries dans des gouttes d'un volume à peine supérieur à un nanolitre et d'opérer une détection automatisée en moins de deux heures de la croissance bactérienne dans chaque goutte. Pour y parvenir, le procédé comprend quatre étapes :

  • pré-rem​plissage de la chambre d'analyse avec une phase « huile » qui va servir à encapsuler individuellement les bactéries de l'échantillon (bactéries et antibiotique) dans des « gouttelettes »;
  • injection de l'échantillon dans le canal microfluidique et formation des gouttes encapsulant chacune une seule bactérie ;
  • incubation des gouttes à 37°C pour permettre la croissance bactérienne pendant 2 heures;
  • imagerie en fond clair pour une détection directe et automatisée de la croissance bactérienne.

Le dispositif complet est très compact et facile à utiliser dans un laboratoire de sécurité microbiologique de niveau 2, permettant la validation du test avec des échantillons biologiques.

 

Figure : La méthode mise au point par le LERI consiste à analyser goutte par goutte la présence (gouttes positives) ou l'absence (gouttes négatives) de bactéries et ensuite de comparer les résultats à T= 0 et à T = 2 heures d'incubation pour déterminer si le nombre de gouttes positives et supérieur au seuil de détection. Pour être robuste, le test doit être réalisé avec une gamme de concentrations d'antibiotique. panneau du haut : imagerie en fond clair de la totalité de la chambre d'analyse après 5 heures d'incubation.  © K. Perez-Toralla / CEA​


Les chercheurs l'ont utilisé pour tester la susceptibilité à la colistine de 21 entérobactéries ayant des mécanismes de résistance différents. Leurs résultats corrèlent parfaitement avec ceux du test de référence réalisé en parallèle. Des premiers résultats très prometteurs sur la détection de bactéries à partir d'échantillons d'urine artificiellement contaminées ont permis de montrer le potentiel du dispositif pour détecter la présence de bactéries résistantes directement dans des échantillons biologiques.  

La méthode a le potentiel pour s'adapter à d'autres antibiotiques et pour être transférable dans des laboratoires d'analyse. ​

Contact Ins​​titut des sciences du vivant Frédéric-Joliot :

Karla Perez​​-Toralla (karla.pereztoralla@cea.fr) ​


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